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enlevement international d'enfant

par Maitre B DRAVET

(JUR) CEDH : enlèvement international d’enfant : les juridictions françaises ont fait leur travail

 
 

Le requérant est un ressortissant français qui se maria au Mexique avec une ressortissante mexicaine et un enfant naquit de leur union au Mexique. En février 2004, la mère emmena l’enfant aux États-Unis pendant deux mois sans prévenir le père. Le divorce fut prononcé la même année et l’autorité parentale fut accordée conjointement aux deux parents mais la garde fut confiée au père avec des droits de visite pour la mère. En juin 2005, la garde fut transférée à la mère avec un droit de visite pour le père.

Une première procédure d’enlèvement international fut ouverte en 2005-2006, suite au départ du père pour la France avec l’enfant. Par jugement du 19 octobre 2006, le TGI considéra le déplacement de l’enfant illicite, au sens de l’article 3 de la Convention de La Haye. Cependant, compte tenu d’une procédure en cours au Mexique pour tentative de meurtre dont le requérant fut victime et mettant en cause la mère, le TGI considéra qu’il existait un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger. Le Tribunal, comme l’autorisait la Convention de La Haye, n’ordonna pas le retour de l’enfant auprès de sa mère. A la suite d’un accord avec la mère, le requérant accepta de lui confier de nouveau la garde de l’enfant.

En avril 2007, le juge aux affaires familiales du district fédéral de Mexico déchut le requérant de l’autorité parentale à l’égard de son fils en raison du risque de départ à l’étranger. En octobre 2007, la mère quitta le Mexique pour les États-Unis avec l’enfant. Un mandat d’arrêt fut émis par les autorités mexicaines à son encontre pour enlèvement d’enfant. Ayant localisé son fils au Texas, le requérant obtint de la justice du Texas que l’enfant lui soit confié provisoirement dans l’attente d’une audience ultérieure au cours de laquelle le juge américain statuerait sur l’attribution de la garde. Le requérant emmena son fils au Mexique puis en France, sans comparaître à cette audience. Les autorités américaines émirent un mandat d’arrêt contre lui pour enlèvement d’enfant.

La seconde procédure d’enlèvement international fut ouverte en 2009-2010. Les juridictions américaines accordèrent la garde de l’enfant à la mère et, dans le même temps, le TGI de Marseille ordonna le retour de l’enfant auprès de sa mère aux États-Unis. Le requérant remit l’enfant à la mère, la cour d’appel confirma le jugement et le pourvoi fut rejeté.

Le requérant se dit victime, en raison de la décision des juridictions internes d’ordonner le retour de son fils aux États-Unis, d’une atteinte à son droit au respect de sa vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention. Il se plaint du défaut de motivation des décisions internes quant à la question de l’existence d’un risque grave pour l’enfant en cas de retour au sens de l’article 13 b) de la Convention de La Haye.

La Cour constate à titre liminaire que le lien entre le requérant et son fils relève d’une vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention. Par ailleurs, il ne prête pas à controverse que les décisions rendues par les juridictions internes ordonnant le retour de l’enfant aux États-Unis constituent une ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit au respect de sa vie familiale, tel que garanti par l’article 8 de la Convention.

À propos de la prise en compte des sentiments de l’enfant par les juridictions internes, la Cour observe qu’il ressort de l’audition que l’enfant est pris dans un conflit de loyauté entre sa mère avec laquelle il vivait heureux au Texas et dont il n’avait plus aucune nouvelle depuis plusieurs mois et son père qui lui parlait très négativement de sa mère et passait son temps au téléphone et sur l’ordinateur à la suite de la multiplication des instances judiciaires. Aux yeux de la Cour, le tribunal a bien examiné les allégations de danger soutenues par le requérant et y a répondu par une motivation circonstanciée et non stéréotypée.

La Cour observe que le requérant a produit le certificat d’un pédopsychiatre, rédigé à sa seule demande et daté d’avant l’audience devant le TGI, mais ne l’a présenté pour la première fois que lors du débat devant la cour d’appel. Or, à cette date, l’enfant n’était plus sur le territoire français à la suite de sa remise à la mère et une expertise contradictoire de révélait difficile, voire impossible, à effectuer. Ce certificat faisait état d’un risque de « décompensation » en cas d’un nouveau changement de cadre de vie chez un enfant déjà fragilisé par « de multiples séparations » et faisait apparaître l’existence possible d’un risque grave au sens de l’article 13 b) de la Convention.

La Cour note qu’en l’espèce, à aucun moment la cour d’appel n’a exclu ce certificat médical ou refusé d’examiner une allégation de risque grave. Il ressort au contraire de son arrêt qu’elle a considéré que l’enfant ne courait aucun danger auprès de sa mère, après avoir visé les pièces fournies au dossier. En conséquence, l’allégation de risque grave en cas de retour de l’enfant a fait l’objet d’un examen effectif, fondé sur les éléments invoqués par le requérant au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, la juridiction d’appel ayant à ce titre fourni une décision motivée. La Cour considère également que le processus décisionnel ayant conduit les juridictions nationales à ordonner le retour de l’enfant a été équitable. Il a en effet permis au requérant, comme à la mère, de présenter pleinement leur cause, et ce dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant qui ne se confond pas avec celui de son père ou de sa mère et qui ne saurait être appréhendé d’une manière identique selon que le juge est saisi d’une demande de retour ou d’une demande de statuer au fond sur la garde ou l’autorité parentale.

En conclusion, la Cour considère que les juges internes ont dûment pris en compte les allégations du requérant et que le processus décisionnel ayant conduit à l’adoption des mesures incriminées par les juridictions nationales a été équitable et a permis au requérant de faire valoir pleinement ses droits, et ce dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle estime que, eu égard à la marge d’appréciation des autorités en la matière, la décision de retour se fondait sur des motifs pertinents et suffisants aux fins du paragraphe 2 de l’article 8, considéré à la lumière de l’article 13 b) de la Convention de la Haye et de l’article 3 § 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant, et qu’elle était proportionnée au but légitime recherché.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention.

 
 
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